lundi 24 janvier 2011

"La lecture agrandit l'âme"


La lecture de la fable de Jean-Pierre Saint-Ours

Prendre le temps de déchiffrer ma bibliothèque vivante et chacun des livres qu'elle contient (cf billet écrit précédemment), lire les émotions, les peines et les joies, traduire chaque geste, souligner les efforts et les progrès, contempler la mise en page et ses images, épousseter les mots inutiles ou blessants, relier larmes, rires et sourires, ordonner les humeurs inégales, humer les parfums d'encre, de jeunesse et de liesse, de tristesse parfois, imaginer une suite, réécrire une fin qui sera plus heureuse, prendre le temps de lire ceux que j'aime, c'est tout ce que je souhaite aujourd'hui et demain sans doute.

Tel un roman d'amour, tel le fruit mûr, la peau craquant sous la pression ensoleillée de la chair savoureuse, ils m'appellent et m'invitent à mieux leur offrir mes baisers.

Envie de tenir la main des miens, les aider à tracer les lignes droites et courbes, écrire les miennes et d'autres encore qui se donneront à lire un jour, si c'est pour un mieux, si Dieu le veut.
La lecture agrandit l'âme et un ami éclairé la console, disait un sage.

lundi 3 janvier 2011

Petit latin et autre baratin


Jacques bodoin - la table de multiplication

Premier jour au Lycée XXX :"Salut, je m'appelle Delphine et toi?"
-Bonjour, moi c'est Marie.

Elle me vouvoie, comme le font la plupart des étudiants lorsqu'ils ne vous connaissent pas. Pfouit, drôlement intimidant alors que chez nous on est immédiatement à tu et à toi.
Au fil de la discussion, elle m'apprend que sa mère est danseuse et son père comédien.
Pourquoi, mais pourquoi cet aveu? Chaque fois que je la croise, la panse de brebis farcie danse devant mes yeux et les tables résonnent à mes oreilles. Misère... Elle m'a accompagnée une année ainsi qu'une vingtaine d'autres hypôkhagneux! Je m'étonnais de les voir bosser aussi dur, dormant 5 à 6 heures par nuit.
La prof de latin était merveilleuse. Un peu caractérielle, mais d'une grande humanité pour chacun de ses étudiants. J'ai encore arpenté les couloirs de certaines expos en sa compagnie; nous dissertions sur la création, aussi pénible qu'un accouchement, disait-elle, j'ai su après qu'elle avait presque raison. La prof d'anglais, vieille fille coupée au bol, roulait les "r" et revendiquait son appartenance au groupe très sélect des MIF! Les MIF? Mais bien sûr, les Milk in first! Elle nous familiarisa avec Joyce, Virginia Woolf et tant d'autres. Celle de philo avait le regard dur, un pli amer au creux des lèvres,  regrettant sans doute l'heure de gloire du communisme français. Nos lectures étaient en conséquence... Aucun souvenir du prof d'histoire, mais bien de son cours: 2ème moitié du 19ème, auquel j'ai à nouveau eu droit en licence. Et ils s'étonnaient que je connaisse si bien la matière... Mais surtout, écorchant nos oreilles, la voix stridente de la prof de français alors qu'elle imite Balzac essayant les mots dans son gueuloir. Elle sait prendre un ton et des gestes dramatiques, balaie avec superbe et en quelques heures la littérature française de ses balbutiements à sa déchéance post-moderniste. Comme elle nous les a fait aimer, ces auteurs et ces livres, alors qu'à ses yeux nous sommes tous des incultes, des ignares qui n'avons rien lus et tenez, une liste de cinquante titres à lire sans faute, et pan, une autre encore plus vitale! Allez, lisez, lisez, lisez celui-là aussi, et cet autre, lisez encore et toujours! Commeeeent? Vous ne connaissez pas? Comment osez-vous vous asseoir sur ces bancs? Son verbe et son emphase nous passionnent, ses cris nous alarment. De géographie et d'allemand, nada, néant, vide absolu.
En résumé, une année dense, très dense, un apprentissage extraordinaire, des copines sur le long terme, un lycée et une école de vie.
La khâgne par contre fut une histoire toute différente.
Je vous la raconterai peut-être un autre jour... En attendant, profitez de cet enregistrement délectable!